Le juge en a assez, la sentence sera officiellement prononcée le 27 septembre 2024

Abus de Justice-Lovaganza-18-Juillet-2024

18 juillet 2024

Le juge en a assez, la sentence sera officiellement prononcée le 27 septembre 2024

Excédé par les manœuvres d’un couple d’accusés pour repor­ter leur sen­tence, plus de six ans après avoir plaidé cou­pable, un juge les accuse d’abuser du sys­tème de jus­tice, mais leur accorde un nou­veau délai.

ISABELLE-DUCAS_LA-PRESSE

Isabelle Ducas

Jour­na­liste éco­no­mie – finances

Isa­belle Ducas – La Presse

Mark-Érik For­tin et Karine Lamarre, un couple de la Rive-Sud de Mont­réal qui a recueilli plu­sieurs mil­lions illé­ga­le­ment auprès d’investisseurs pour le pro­jet bidon Lova­ganza, devaient rece­voir leur peine mer­credi au palais de jus­tice de Lon­gueuil, mais leur cause a été repor­tée une nou­velle fois, comme c’est arrivé à d’innombrables reprises dans le passé.

Le report a été annoncé par le juge Marc Bis­son, de la Cour du Qué­bec, der­rière des portes ver­rouillées, empê­chant le public d’avoir accès à la salle d’audience et de connaître les rai­sons de ce délai sup­plé­men­taire. Le juge sié­geait de façon vir­tuelle. Ni les accu­sés ni les avo­cats de l’Autorité des mar­chés finan­ciers (AMF), qui pour­suit le couple, n’étaient sur place.

Pour­tant, dans un juge­ment rendu le 10 juillet, le juge Bis­son repro­chait jus­te­ment à Mark-Érik For­tin et Karine Lamarre leurs « abus à l’égard du sys­tème de justice ».

« Des délais par­ti­cu­liè­re­ment longs affligent le pré­sent dos­sier depuis que les défen­deurs ont plaidé cou­pable. Et pour cette rai­son, il n’y aura plus de remise dans le pré­sent dos­sier », écrit même le juge, qui avise le couple que sa peine serait pro­non­cée en son absence s’il ne se pré­sente pas en per­sonne au palais de justice.

Les accu­sés, qui se repré­sentent eux-mêmes après avoir congé­dié trois avo­cats, vou­laient un nou­veau report pour trou­ver un nou­vel avo­cat. « Il s’agit encore une fois d’une ultime ten­ta­tive pour repous­ser l’inévitable », dénonce le magis­trat, qui déplore qu’on ait abusé de sa « bienveillance ».

L’AMF réclame une peine de pri­son dans cette affaire.

PAS DE PREUVE MÉDICALE

Karine Lamarre souf­fri­rait d’un can­cer, mais le juge Bis­son sou­ligne qu’« aucune preuve médi­cale cré­dible et pro­bante » ne lui a été pré­sen­tée au sujet de l’état de santé de l’accusée.

Plu­sieurs fois, elle a demandé que des audiences soient repor­tées parce qu’elle était souffrante.

Lorsqu’elle com­pa­raît à dis­tance par l’entremise de la pla­te­forme Teams, « elle parle d’une voix faible et éteinte, elle est ali­tée, la figure défaite, et donne l’impression d’être épui­sée », rap­porte le juge. Or, pen­dant la même période, Karine Lamarre anime des réunions vir­tuelles avec des inves­tis­seurs « avec aplomb, luci­dité et cohé­rence », et sol­li­cite des fonds auprès de nou­velles per­sonnes lors de ren­contres indi­vi­duelles, écrit le juge, qui fait éga­le­ment état d’un voyage en Cali­for­nie il y a quelques mois.

Selon des inves­tis­seurs convain­cus d’avoir été floués, Karine Lamarre et Mark-Érik For­tin disent avoir recueilli 50 mil­lions auprès de 900 per­sonnes qui se fai­saient pro­mettre des ren­de­ments repré­sen­tant cinq ou dix fois leur mise.

Ces fonds étaient cen­sés ser­vir à pro­duire une série de films à grand déploie­ment, des­ti­nés à finan­cer un pro­jet huma­ni­taire et une chaîne humaine autour du monde pour la paix, des évè­ne­ments qui ne se sont jamais concré­ti­sés alors qu’ils devaient avoir lieu en 2015.

Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Clou­tier, les autres ins­ti­ga­teurs du pro­jet Lova­ganza, ins­tal­lés en Cali­for­nie, ont écopé de 600 000 $ d’amende en avril.

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PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE MATHIEU CARIGNAN "i.am.matt" – Le bras droit des pro­ta­go­nistes de Lova­ganza – 11 avril.

AMENDES

L’argent recueilli est des­tiné à un autre couple, Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Clou­tier, qui vivent en Cali­for­nie et se pro­mènent par­tout dans le monde pour tour­ner des vidéos et enre­gis­trer des chan­sons, sous le vocable JF & G. Ils pré­tendent sans cesse, depuis 10 ans, être sur le point de signer un contrat avec une grosse mai­son de pro­duc­tion pour tour­ner leurs films ou enre­gis­trer des chansons.

Le couple Gagnon-Clou­tier a été condamné le mois der­nier à des amendes tota­li­sant 600 000 $, à la suite d’accusations dépo­sées par l’AMF. Cepen­dant, pour dépo­ser ces accu­sa­tions, l’enquête de l’AMF était basée sur des preuves recueillies auprès de 12 inves­tis­seurs seule­ment, qui ont versé 432 000 $ en 2014 et 2015.

« Cette sen­tence ne signi­fie pas que notre enquête est ter­mi­née », avait alors sou­li­gné le porte-parole de l’AMF, Syl­vain Théberge.

En 2017, 75 plai­gnants ont déposé des plaintes pour fraude au Ser­vice de police de la Ville de Mont­réal contre les deux couples. Le dos­sier a ensuite été trans­féré à la Sûreté du Qué­bec, mais aucune accu­sa­tion cri­mi­nelle n’a été dépo­sée jusqu’à maintenant.

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PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM JF & G RECORDS

Gene­viève Clou­tier et Jean-Fran­çois Gagnon, qui se pré­sentent comme pro­duc­teurs, réa­li­sa­teurs et scé­na­ristes, sous l’appellation de « JF & G »

QU’EST-CE QUE LE PROJET LOVAGANZA ?

En 2010, deux couples de la Rive-Sud se sont asso­ciés pour pro­duire une série de films à grand déploie­ment, des­ti­nés à finan­cer un pro­jet huma­ni­taire et une chaîne humaine autour du monde pour la paix, des évè­ne­ments qui ne se sont jamais concrétisés.

Au moins 50 mil­lions auraient été amas­sés auprès de 900 per­sonnes, qui se fai­saient pro­mettre des ren­de­ments repré­sen­tant cinq ou dix fois leur mise, selon des docu­ments consul­tés par La Presse.

Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Clou­tier, accu­sés par l’AMF d’avoir sol­li­cité illé­ga­le­ment des inves­tis­se­ments, ont écopé de 600 000 $ d’amende en avril, tan­dis qu’une peine de pri­son est récla­mée pour Mark-Érik For­tin et Karine Lamarre.

NOTRE COMMENTAIRE

Par : Jean-Fran­cois Simard

En ce qui concerne Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Cloutier:

  • Étant à l'extérieur du pays, JF&G paie­ront-ils un seul sou de cette amende ? .. Et si oui, com­ment? .. Ça reste à voir !
  • Ce pre­mier 600 000 $ réclamé sera-t-il remis en dédom­ma­ge­ment au pro­rata des inves­tis­se­ments de leurs vic­times qui l'ont été sous les vus et sus de tout les corps poli­ciers et inter­ve­nants de la jus­tice ? .. Sinon pourquoi ?
  • L'AMF et le par­quet de la Cour sont-ils satis­faits de bou­cler à rabais une décen­nie d'enquête et de pro­cé­dures judi­ciaire oné­reuses avec une amende repré­sen­tant envi­ron 1,2 % du délit com­mis de 50M$ ? Où est l'argent ?
  • Si l'amende est payée : com­ment la jus­tice et l'AMF s'assureront-ils que la pro­ve­nance des fonds ne seront pas de nou­veaux fonds illé­gaux sol­li­ci­tés auprès de nou­velles vic­times ou pro­ve­nants de comptes off-shores (para­dis fis­caux) aux struc­tures écrans savam­ment maquillés ?
  • Quel mes­sage envoie-t-on à la société ? : – "L'impôt" (amende) sur les reve­nus d'activité de fraude au Qué­bec sont moins éle­vés que la TPS et la TVQ per­çues sur les acti­vi­tés com­mer­ciales légales ?
  • En décla­rant cou­pable, JF&G évitent et mini­misent l'impact de l'étalement publique et vir­tuel (web & inter­na­tio­na­le­ment) de leurs acti­vi­tés frau­du­leuses, ce qui en fait la meilleure stra­té­gie pos­sible pour la conti­nuité de leurs acti­vi­tés hors du Qué­bec et du Canada.

Beau­coup de ques­tions sont encore à venir et tou­jours bien peu de réponse malheureusement.
À suivre !