Jean-François Simard - Initiateur du recours collectif - 
Ex-employé et investisseur fraudé de One-Land, Lovaganza, JF&G - 
Administrateur concepteur des sites et médias sociaux de Lovaganza-scandal.com

La naïveté n'était pas un prérequis pour tomber dans les filets de Lovaganza

Mieux com­prendre les nuances entre la naï­veté et une arnaque aux mul­tiples fausses repré­sen­ta­tions extrê­me­ment bien orches­trées. Des pre­mières impres­sions sym­pa­thiques et erron­nées peuvent être véhi­cu­lés par les chro­ni­queurs qui com­mentent sou­vent rapi­de­ment l'histoire pour aller à l'essentiel alors qu'ils sont limi­tés par le temps, les contraintes du direct et l'enchainement rapide des sujets.

24 août 2022

Après un tour appro­fondi de la cou­ver­ture média­tique de l'affaire Lova­ganza et du docu­men­taire Lova­ganza: La grande illu­sion, nous com­pre­nons que les émis­sions radio­pho­niques et télé­vi­suelles se doivent d'être "pun­ché" pour cap­ter l'attention de l'auditoire. Ils doivent sou­vent y aller de for­mu­la­tions fortes, humo­ris­tiques ou bien sen­ties afin de frap­per l'imaginaire et leurs com­men­taires ins­tinc­tifs sur la per­cep­tion des per­sonnes qui ont été frau­dés dans cette his­toire sont sou­vent proches de la réa­lité à 90 % du temps.

La réa­lité, est d'avoir comme pre­mier réflexe de caté­go­ri­ser rapi­de­ment que "LES GENS QUI ONT ÉTÉ FLOUÉS ÉTAIENT NÉCESSAIREMENT DES GENS BIEN NAÏFS".

C'est dom­mage parce que dimi­nue nos efforts de pré­ven­tion. Le dan­ger est que bien peu de per­sonne se consi­dère naïve dans la vie et le phé­no­mène du "Ça n'arrive qu'aux autres" s'installe rapi­de­ment et beau­coup se croi­ront alors à l'abri.

L'objectif de ce docu­men­taire est jus­te­ment de démon­trer à quel point la naï­veté n'était pas un fac­teur déter­mi­nant pour inves­tir dans Lova­ganza, mais bien le très haut niveau de pré­pa­ra­tion et d'organisation de l'ensemble de leur stra­ta­gème frauduleux.

Cepen­dant et per­son­nel­le­ment, en tant qu'ex-employé et proche témoin de cette his­toire, il faut rap­pe­ler qu'au départ, l'exagération et le "far­felu" n'était pas encore au ren­dez-vous. Quand les médias énu­mèrent aujourd'hui un résumé des faits saillants de cette arnaque, l'image est gros­sie en quelques secondes et tout devient évident sur ce qui s'est déroulé gra­duel­le­ment, en réa­lité, sur plu­sieurs années. Évi­dem­ment, per­sonne n'avalerait une telle gor­gée d'un coup pour y inves­tir ensuite.

Les rendements offerts de 2009 à 2012 étaient plus sobres et autour de 1,5 à 2 fois la mise et non 10x vers 2015.

On a fini par com­prendre que les ren­de­ments de près de 2 fois la mise étaient stra­té­gi­que­ment suf­fi­sants pour être très inté­res­sants sans toute foi être trop déme­su­rés pour semer le doute. Les retours de 10 fois l'investissement offerts plu­sieurs années plus tard, eux, éveillent clai­re­ment déjà de grands doutes pour flai­rer l'arnaque. N'oubliez pas que les couches de men­songes étaient mul­tiples, pré­pa­rés et bien étu­diés. Ils avaient vrai­ment des argu­ments plau­sibles à toute ques­tion potentielle.

Il n'y avait qu'un seul film de proposé et non cette méga production de trilogie qu'ils se sont mise à vendre des années plus tard.

C'était plus réa­liste au départ et leurs piètres extraits de tour­nage, même indignes de tra­vaux étu­diants, n'avaient pas encore été véhi­cu­lés, ce qui aurait éveillé aussi déjà bien des soup­çons. C'était "très ordi­naire" et beau­coup auraient reculé par ces résul­tats à l'écran qui étaient loin d'être convaincant.

Jean-François Gagnon avait sorti un album commercialement crédible avec Sony Musique Canada et signé la musique thème du film québécois Nitro.

Ces réa­li­sa­tions d'ordre public cré­di­bi­li­saient en quelque sorte ses accès à des contacts plus pri­vi­lé­giés du monde artis­tique. Donc, le déca­lage entre fré­quen­ter la haute direc­tion de Sony Musique, René Angé­lil et Céline Dion – ET – tra­ver­ser sur celui du gra­tin d'Hollywood, n'était pas une si grande dis­tance à fran­chir men­ta­le­ment, com­pa­ra­ti­ve­ment au com­mun des mor­tels pour qui, d'un jour à l'autre, se met­trait à fré­quen­ter un uni­vers très loin de sa réa­lité quo­ti­dienne, ce qui ne serait pas cré­dible. Ils savaient com­ment tirer pro­fit d'un ins­tant glo­rieux du passé pour lais­ser miroi­ter que les autres pou­vaient être réels. Qui s'étonne vrai­ment aujourd'hui de voir grandes per­son­na­li­tés spor­tives, artis­tiques ou poli­tiques se fré­quen­ter dans toute sorte de contextes? Il y avait donc un lien plau­sible et expres­sé­ment exploité.

Le discours de Karine Lamarre de "SUIVRE SON SOLEIL" était une traduction directe du titre du film pour lequel l'équipe travaillait: «The Lovaganza Convoy – Follow your Sunshine».

Cette expres­sion, tirée du scé­na­rio de cette fic­tion ciné­ma­to­gra­phique «The Lova­ganza Convoy – Fol­low your Sun­shine» qu'ils ven­daient, n'éveillait pas néces­sai­re­ment au départ une dimen­sion sectaire.

Bien que ce soit facile et drôle d'en rire hors contexte, c'était sim­ple­ment perçu comme les entre­prises qui vendent leur propre slo­gan idéo­lo­gi­qes à leur employer comme source de moti­va­tion et d'inculcation d'une phi­lo­so­phie d'entreprise. Ce n'était pas en si grand déca­lage que des Nike, McDo et Aldo de ce monde, car ces mots-là était direc­te­ment lié au pro­duit com­mer­cial, le film, qu'ils devaient finan­cer et sup­po­sé­ment produire.

Ce dis­cours s'est aussi ins­tallé gra­duel­le­ment, en toute légè­reté et sur plu­sieurs années. Il est d'une évi­dence qu'avoir eu ce type dis­cours en par­tant, comme lorsque les médias le résument rapi­de­ment aujourd'hui, nous aurions tous décelé cette tac­tique de contrôle nous aussi. Beau­coup de films pro­posent des visions humaines et posi­tives sans éveiller néces­sai­re­ment un aspect de sec­taire. À l'époque, c'était sim­ple­ment un film comme tant d'autres pour nous.

Ce n'est qu'après plu­sieurs années que nous y avons vu clair et pu tra­cer de très inté­res­sants paral­lèles avec la série de TVA – L'Échapée. Iro­ni­que­ment, cette série où les per­son­nages de gou­rou res­semblent presque phy­si­que­ment à la gang de Lova­ganza, illustre vrai­ment bien le type de per­son­na­lité et les tac­tiques qu'ils ont déve­lop­pés au tra­vers des années pour de pro­té­ger leur système.

Jean-Francois Ganon et Geneviève Cloutier partageaient des centaines de photos accompagnés des plus influentes star de la politique, de l'industrie musicale et d'Hollywood, dont Steven Spielberg.

Ce n'est que des années plus tard que nous avons décou­vert qu'ils se payaient des accès à des soi­rées cari­ta­tives et mon­daines pour accu­mu­ler des images trom­peuses afin de sou­ti­rer des inves­tis­se­ments comme vous pou­vez voir dans ces quelques exemples.

En conclusion:

Comme pour la plu­part des inves­tis­seurs et employés, voir un por­trait tel que celui qui est résumé dans les médias d'aujourd'hui, peu s'y seraient lais­sée prendre.

C'est vrai­ment par la pré­ci­sion chi­rur­gi­cale du déploie­ment de leur tac­tiques rafi­nées qui aura permi à ces pro­fes­sion­nels du men­songe, de l'usurpation et de la fausse repré­sen­ta­tion, de réus­sir à ber­ner les plus naïfs comme les plus incré­dules: Pré­si­dents d'entreprises, per­son­na­li­tés d'affaire aguer­ries, maires et des artistes de l'industrie du cinéma – il n'y avait pas que des gens naïfs sur ces 800 per­sonnes qui se sont fait frau­der 24 mil­lions. Ils opé­raient un plan cri­mi­nel par­fai­te­ment étudié !

Tout inves­tis­seur, quel qu'il soit, veille tou­jours sur ces pla­ce­ments pour s'assurer qu'ils fruc­ti­fient. Per­sonne n'aime perdre d'argent. Les diri­geants de Lova­ganza savaient très bien exploi­ter la pro­tec­tion natu­relle qui veut que lorsque nous inves­tis­sons une somme d'argent impor­tante ou un inves­tis­se­ment de temps per­son­nel dans un pro­jet, on ne veux sur­tout pas le perdre ou l'avoir fait pour récol­ter zéro‑0. On sou­haites que ça porte fruit.

Il y a donc une grande part de l'exploitation de la crainte d'avoir perdu son argent qui empê­chait les gens de par­tir. Si je ne sauve pas le navire, il va cou­ler avec les éco­no­mies que j'y ai mi. Avec les constantes et régu­lières pro­messes de signa­ture immi­nente, les inves­tis­seurs finis­saient tou­jours par se dire : ‑On va attendre la signa­ture dans un mois, au cas.., ‑Dans l'autre mois, au cas.., etc, et ainsi de suite jusqu'à ce que ça finisse par tour­ner au ridi­cule et que 10 ans et 24 mil­lions plus tard, rien n'a été accom­pli, aucun film et aucune fondation.

Je tiens à men­tion­ner à quel point nous appré­cions l'intérêt des médias après autant d'années de lutte à vou­loir faire ces­ser cette anarque qui est tou­jours active en date d'aujourd'hui.

Un merci spé­cial aux ani­ma­teurs, jour­na­listes et médias prendre le relais de mes­sa­ger que nous avons sou­te­nus à bout de bras, béné­vo­le­ment et sans réel moyens pour le faire depuis près d'une dizaine d'années. Merci d'exprimer haut et fort le fond de vos pen­sées sur cette affaire

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Jean-Fran­cois Simard
Ini­tia­teur du recours col­lec­tif et rela­tions média
Acteur du docu­men­taire Lova­ganza: La grande illusion