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14 mai 2024

- «C'est aberrant et hallucinant qu'ils puissent continuer.. Ce n'est pas normal..» selon une ex procureure au DPCP spécialisée dans les cas de fraudes.

Fraude Lova­ganza : des inves­tis­seurs conti­nuent d'être floués dans cette arnaque orches­trée par un couple de Qué­bé­cois vivant en Cali­for­nie. Aucune peine n'a encore été impo­sée aux res­pon­sables. Kim Ver­mette reçoit Céline Bilo­deau, ex pro­cu­reure au DPCP spé­cia­li­sée dans les cas de fraudes.

TRANSCRIPTION AUTOMATISÉE DE L'ENTREVUE:

Vous avez peut-être entendu par­ler de l'histoire de la fraude de Lova­ganza qui se pour­suit. On appre­nait ce week-end que des inves­tis­seurs conti­nuent d'être floués dans cette arnaque orches­trée par un couple de Qué­bé­cois vivant en Cali­for­nie. Aucune peine n'a encore été impo­sée aux res­pon­sables de cette fraude, après six ans de pro­cé­dures judi­ciaires. J'en parle avec Céline Bilo­deau, ex-pro­cu­reure au DPCP spé­cia­li­sée dans les cas de fraudes.

Q. - Rap­pe­lez-nous les grandes lignes de cette fraude, son fonctionnement.

R. - Alors c'est une faute clas­sique, grosso modo vous avez un pro­cès, vous allez cher­cher des inves­tis­seurs en leur pro­met­tant des ren­de­ments miro­bo­lants, c'est clas­sique. Et vous faites ce que vous vou­lez avec l'argent. C'est sou­vent un pro­jet bidon. Là on nous dit que c'est pour faire des films à grand déploie­ment et encore mieux, pour finan­cer des pro­jets huma­ni­taires. Alors vous ris­quez d'en atti­rer encore plus…

C'est aber­rant! C'est hal­lu­ci­nant pour moi qu'ils puissent conti­nuer, soi­ten encore capable de sol­li­ci­ter, c'est pas normal.

Q. - Com­ment expli­quer que les pro­cé­dures judi­ciaires soient à chaque fois remise, par exemple, leur peine devait être dite le 3 mai der­nier, il y a même Karine Lamarre qui a dit qu'elle se réjouis­sait des délais que le juge attribuait?

R. - Le juge peut prendre en consi­dé­ra­tion, on nous dit qu'elle aurait un can­cer… nor­ma­le­ment, une peine doit être impo­sée le plus vite pos­sible. Ça, c'est la règle. Alors main­te­nant je suis inca­pable de vous expli­quer com­ment il se fait que parce que Madame est malade, on reporte pour les deux coac­cu­sés. Parce qu'ils sont quand même deux défendeurs.

C'est aber­rant pour moi. Ce ne sera pas la pre­mière fois que quelqu'un est malade et ce ne sera pas la der­nière. Donc je me mets à la place des vic­times. Ce sont les vic­times qui en pâtissent.

Q. - Qu'en est-il de Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Clou­tier, les auteurs de cette fraude, ils vivent en Cali­for­nie, il voyage par­tout dans le monde avec l'argent des vic­times et aucune accu­sa­tion cri­mi­nelle n'a été por­tée à l'endroit?

R. - Dans Vincent Lacroix, juge Wag­ner avait dit : je ne com­prends pas pour­quoi les accu­sa­tions cri­mi­nelles n'ont pas devancé celle de l'AMF.

Il n'y a rien qui empêche la police et l'AMF de tra­vailler conjoin­te­ment. Moi j'ai tou­jours uti­lisé des docu­ments… en matière cri­mi­nelle vous pou­vez por­ter des accu­sa­tions, vous n'avez pas besoin de connaître toutes les vic­times, vous sai­sis­sez la comp­ta­bi­lité, on ne fait pas d'omelette sans cas­ser des oeufs, on prend les com­plices, on essaie d'arrêter les têtes diri­geantes, on essaye d'avoir une décla­ra­tion et on négo­cie. C'est comme ça que ça fonctionne.

Dans Cinar, un des com­plices a plai­daient cou­pable et est venu témoi­gner. Vous pou­vez don­ner une sen­tence réduite. Vous uti­li­sez les com­plices. Les Amé­ri­cains le font, ils le font dans les dos­siers de fraude, vous faites cela.

Q. - Est-ce que ça nous démontre fina­le­ment en ter­mi­nant qu'il y a une trop grande tolé­rance de la part de l'autorité des mar­chés finan­ciers à l'égard des fraudeurs?

R. - Moi je pense que si c'est une fraude de 50 mil­lions, vous y allez avec le code cri­mi­nel. Et l'autorité des mar­chés finan­ciers, elle régle­mente le sec­teur finan­cier mais est-ce qu'on a du mor­dant, je ne crois pas. Et même les peines cri­mi­nelles ne sont pas aussi sévères que cela. Et c'est pour ça qu'on a de la dif­fi­culté à négo­cier avec les complices..

- Source: ICI RDI – Kim Ver­mette avec Céline Bilo­deau, ex-pro­cu­reure au Direc­teur des pour­suites cri­mi­nelles et pénales (DPCP) spé­cia­li­sée dans les cas de fraudes.
- Trans­crip­tion auto­ma­ti­sée: Youtube.

QU’EST-CE QUE LE PROJET LOVAGANZA ?

En 2010, deux couples de la Rive-Sud se sont asso­ciés pour pro­duire une série de films à grand déploie­ment, des­ti­nés à finan­cer un pro­jet huma­ni­taire et une chaîne humaine autour du monde pour la paix, des évè­ne­ments qui ne se sont jamais concrétisés.

Au moins 20 mil­lions [main­te­nant éva­lué à 50 mil­lions] auraient été amas­sés auprès de 650 per­sonnes, qui se fai­saient pro­mettre des ren­de­ments repré­sen­tant cinq ou dix fois leur mise.

Jean-Fran­çois Gagnon et Gene­viève Clou­tier, accu­sés par l’AMF d’avoir sol­li­cité illé­ga­le­ment des inves­tis­se­ments, viennent d’écoper de 600 000 $ d’amende, tan­dis qu’une peine de pri­son est récla­mée pour Mark-Érik For­tin et Karine Lamarre, qui reviennent en cour le mois prochain.