Six ans après avoir plaidé coupable, toujours libres et opérationnels pendant l'attente de leur sentence, le magot aurait doublé.
12 mai 2024
Six ans après avoir plaidé coupable, toujours libres et opérationnels pendant l'attente de leur sentence, le magot aurait doublé.
Un couple de la Rive-Sud de Montréal, qui aurait soutiré 50 millions à des investisseurs pour le projet Lovaganza, continue sa sollicitation, six ans après avoir plaidé coupable à des accusations portées par l’Autorité des marchés financiers. Plusieurs participants, convaincus d’avoir été arnaqués, déplorent que la sentence ne soit toujours pas rendue dans cette affaire.
Isabelle Ducas
Journaliste économie – finances
« On sait qu’on ne reverra pas notre argent, alors on est un groupe qui va déposer une plainte à la police pour fraude. Ils rient sans se cacher du processus judiciaire dans les conversations Zoom avec les investisseurs », s’insurge Michel*, qui dit avoir prêté plus de 2 millions pour le projet depuis 2013, notamment en hypothéquant une maison dont il a dû remettre les clés à la banque.
Pour Lovaganza, aussi appelé One-Land, TERRADISIO ou JF & G, Mark-Érik Fortin et Karine Lamarre sollicitent des prêts depuis 2010 pour un soi-disant projet de films qui ne s’est jamais concrétisé, malgré les promesses de rendements mirobolants faites aux investisseurs.
Ils auraient recueilli plus de 50 millions auprès de 900 personnes, selon de nouveaux documents consultés par La Presse, qui indiquent que la sollicitation se poursuivait encore en mars dernier.
De nombreuses remises
« Ils continuent encore à l’heure actuelle, des investisseurs se sont encore ajoutés ces derniers mois », révèle Francis*, qui dit avoir englouti plusieurs dizaines de milliers de dollars dans l’aventure et être sur le bord de la faillite personnelle. « Ils leur disent de sortir leur REER et leur CELI, de prendre des marges de crédit ou des prêts, d’emprunter à des amis, de leur présenter des gens qui investiront, d’aller chercher des cartes de crédit et d’augmenter les limites, d’emprunter sur leur maison, de ne pas payer leurs impôts… Des gens ont perdu leur fonds de pension et leur maison. »
Mark-Érik Fortin et Karine Lamarre ont plaidé coupables en 2018 à un total de 79 chefs d’accusation déposés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour des accrocs aux lois québécoises qui régissent l’investissement. Au moment du dépôt des accusations, l’enquête avait permis d’identifier seulement 2,7 millions recueillis auprès de 140 épargnants et d’une dizaine d’entreprises. L’AMF réclame une peine d’emprisonnement dans leur cas.
Ils n’ont pas encore reçu leur sentence en raison des nombreuses tactiques utilisées pour retarder le processus judiciaire, ce que dénoncent des investisseurs. Ils devaient recevoir leur peine le 3 mai, mais ont encore une fois obtenu une remise de la part du juge Marc Bisson, de la Cour du Québec, au palais de justice de Longueuil.
PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Karine Lamarre et Mark-Érik Fortin, en septembre 2015
« Ils ont eu 12 fois des remises, c’est incroyable! Et ils s’en vantent. »
– Michel*, qui dit avoir été floué
Nous avons eu accès à l’enregistrement d’une conversation Zoom datant du 3 octobre dernier, dans laquelle Karine Lamarre se réjouit d’avoir des « faveurs » du juge, parce qu’il démontre de l’empathie envers elle à cause de ses problèmes de santé – elle serait atteinte d’un cancer.
Amendes
L’argent recueilli est destiné à un autre couple, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, qui vivent en Californie et se promènent partout dans le monde pour tourner des vidéos et enregistrer des chansons, sous le vocable JF & G. Ils prétendent sans cesse, depuis 10 ans, être sur le point de signer un contrat avec une grosse maison de production pour tourner leurs films ou enregistrer des chansons.
Le couple Gagnon-Cloutier a été condamné le mois dernier à des amendes totalisant 600 000 $, à la suite d’accusations déposées par l’AMF. Cependant, pour déposer ces accusations, l’enquête de l’AMF était basée sur des preuves recueillies auprès de 12 investisseurs seulement, qui ont versé 432 000 $ en 2014 et 2015.
« Cette sentence ne signifie pas que notre enquête est terminée », avait alors souligné le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge.
En 2017, 75 plaignants ont déposé des plaintes pour fraude au Service de police de la Ville de Montréal contre les deux couples. Le dossier a ensuite été transféré à la Sûreté du Québec, mais aucune accusation criminelle n’a été déposée jusqu’à maintenant.
* Les investisseurs ont requis l’anonymat par crainte de représailles.
PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM JF & G RECORDS
Geneviève Cloutier et Jean-François Gagnon, qui se présentent comme producteurs, réalisateurs et scénaristes, sous l’appellation de « JF & G »
QU’EST-CE QUE LE PROJET LOVAGANZA ?
En 2010, deux couples de la Rive-Sud se sont associés pour produire une série de films à grand déploiement, destinés à financer un projet humanitaire et une chaîne humaine autour du monde pour la paix, des évènements qui ne se sont jamais concrétisés.
Au moins 50 millions auraient été amassés auprès de 900 personnes, qui se faisaient promettre des rendements représentant cinq ou dix fois leur mise, selon des documents consultés par La Presse.
Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, accusés par l’AMF d’avoir sollicité illégalement des investissements, ont écopé de 600 000 $ d’amende en avril, tandis qu’une peine de prison est réclamée pour Mark-Érik Fortin et Karine Lamarre.