La sollicitation illégale continue toujours en 2021 malgré l’interdiction de l'AMF émise en 2014.
La sollicitation illégale continue toujours en 2021 malgré l’interdiction de l'AMF émise en 2014.
Même s’ils ont reconnu leur culpabilité à des accusations portées par l’Autorité des marchés financiers (AMF), il y a près de trois ans, les leaders du projet Lovaganza continuent de solliciter illégalement des fonds pour leur projet de films à grand déploiement.
Publié le 10 février 2021
ISABELLE DUCAS
LA PRESSE
Cette trilogie cinématographique devait sortir sur grand écran en 2015, accompagnée d’une chaîne humaine qui devait faire le tour de la planète. Mais six ans plus tard, aucun film n’a encore été lancé, malgré les millions recueillis auprès de petits investisseurs, avec promesses de juteux rendements.
Lundi, l’AMF a émis une mise en garde aux consommateurs à l’encontre des « sollicitations en cours » effectuées par Karine Lamarre, Mark-Érik Fortin, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, instigateurs de Lovaganza.
Plusieurs témoins ont confirmé à La Presse que Karine Lamarre et Mark-Érik Fortin les avaient sollicités au cours des derniers mois ou que des personnes de leur entourage avaient investi des fonds dans l’aventure.
« L’automne dernier, ils ont demandé à mon père de commander autant de cartes de crédit qu’il le pouvait, pour pouvoir s’en servir pour faire des paiements pour eux. Aux dernières nouvelles, mon père devait au moins 50 000 $ sur ces cartes de crédit », raconte Mélanie*, qui s’inquiète pour la situation financière de son père.
« C’est une personne retraitée, vulnérable, souligne-t-elle. Il n’a pas un revenu illimité. Comment pourra-t-il faire les paiements minimums ? J’ai peur qu’il soit obligé de faire faillite.
Charles*, un entrepreneur, a été sollicité l’été dernier par Mme Lamarre et M. Fortin, lors d’une visioconférence à laquelle il avait été convié par un ami. « Ils me demandaient 50 000 $, en me disant que j’aurais un retour sur mon investissement de 20 à 25 % et que je pourrais aller voir un tournage en Italie, se rappelle-t-il. Ils disaient avoir déjà amassé 30 millions. »
Pour tenter de montrer le sérieux de leurs démarches, Mme Lamarre et M. Fortin ont envoyé à Charles des extraits de chansons enregistrées par Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, qui se présentent comme producteurs, réalisateurs et scénaristes, sous l’appellation de « JF & G ».
Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, qui se présentent comme producteurs, réalisateurs et scénaristes, sous l’appellation de « JF & G ».
Ils ont aussi évoqué le soutien de Steven Spielberg, dit Charles.
« J’ai posé beaucoup de questions parce que je trouvais que c’était trop beau pour être vrai. Et j’ai décidé de ne pas investir », indique Charles.
Des dizaines de chefs d’accusation
Alain*, de son côté, a vu sa mère investir « plusieurs dizaines de milliers de dollars » dans l’aventure Lovaganza, malgré les questionnements de sa famille.
« J’ai demandé à parler à quelqu’un pour pouvoir poser des questions, mais on me dit que ce n’est pas possible, déplore-t-il. Et on ne peut rien faire pour convaincre ma mère d’arrêter de mettre de l’argent. C’est comme si elle était dans une secte et qu’elle avait eu un lavage de cerveau. »
Dans sa mise en garde, l’AMF rappelle que Karine Lamarre et Mark-Érik Fortin « ont plaidé coupable à 92 des 93 chefs d’accusation portés contre eux, en avril 2018 ». Ils sont toujours en attente de leur peine depuis.
« De plus, dans le cadre d’une poursuite pénale intentée par l’Autorité en octobre 2017, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier font face à des chefs d’accusation pour avoir effectué des placements sans prospectus entre le 1er janvier 2010 et le 27 mars 2015 en lien avec les activités de financement du projet Lovaganza. Les procédures devant les tribunaux à leur égard sont toujours en cours », indique l’AMF.
Le couple Gagnon-Cloutier a diffusé plusieurs chansons, au cours des dernières années, et des vidéos en lien avec Lovaganza. Les plus récentes photos publiées sur le compte Instagram JF & G, en décembre 2020, ont été prises en Italie.
* Les personnes qui ont témoigné pour ce reportage ont demandé de conserver l’anonymat, craignant de se brouiller avec leur famille si leur identité était dévoilée.
Source: Article original de La Presse – Version pdf