La naïveté n'était pas un prérequis pour tomber dans les filets de Lovaganza
La naïveté n'était pas un prérequis pour tomber dans les filets de Lovaganza
Mieux comprendre les nuances entre la naïveté et une arnaque aux multiples fausses représentations extrêmement bien orchestrées. Des premières impressions sympathiques et erronnées peuvent être véhiculés par les chroniqueurs qui commentent souvent rapidement l'histoire pour aller à l'essentiel alors qu'ils sont limités par le temps, les contraintes du direct et l'enchainement rapide des sujets.
24 août 2022
Après un tour approfondi de la couverture médiatique de l'affaire Lovaganza et du documentaire Lovaganza: La grande illusion, nous comprenons que les émissions radiophoniques et télévisuelles se doivent d'être "punché" pour capter l'attention de l'auditoire. Ils doivent souvent y aller de formulations fortes, humoristiques ou bien senties afin de frapper l'imaginaire et leurs commentaires instinctifs sur la perception des personnes qui ont été fraudés dans cette histoire sont souvent proches de la réalité à 90 % du temps.
La réalité, est d'avoir comme premier réflexe de catégoriser rapidement que "LES GENS QUI ONT ÉTÉ FLOUÉS ÉTAIENT NÉCESSAIREMENT DES GENS BIEN NAÏFS".
C'est dommage parce que diminue nos efforts de prévention. Le danger est que bien peu de personne se considère naïve dans la vie et le phénomène du "Ça n'arrive qu'aux autres" s'installe rapidement et beaucoup se croiront alors à l'abri.
L'objectif de ce documentaire est justement de démontrer à quel point la naïveté n'était pas un facteur déterminant pour investir dans Lovaganza, mais bien le très haut niveau de préparation et d'organisation de l'ensemble de leur stratagème frauduleux.
Cependant et personnellement, en tant qu'ex-employé et proche témoin de cette histoire, il faut rappeler qu'au départ, l'exagération et le "farfelu" n'était pas encore au rendez-vous. Quand les médias énumèrent aujourd'hui un résumé des faits saillants de cette arnaque, l'image est grossie en quelques secondes et tout devient évident sur ce qui s'est déroulé graduellement, en réalité, sur plusieurs années. Évidemment, personne n'avalerait une telle gorgée d'un coup pour y investir ensuite.
Les rendements offerts de 2009 à 2012 étaient plus sobres et autour de 1,5 à 2 fois la mise et non 10x vers 2015.
On a fini par comprendre que les rendements de près de 2 fois la mise étaient stratégiquement suffisants pour être très intéressants sans toute foi être trop démesurés pour semer le doute. Les retours de 10 fois l'investissement offerts plusieurs années plus tard, eux, éveillent clairement déjà de grands doutes pour flairer l'arnaque. N'oubliez pas que les couches de mensonges étaient multiples, préparés et bien étudiés. Ils avaient vraiment des arguments plausibles à toute question potentielle.
Il n'y avait qu'un seul film de proposé et non cette méga production de trilogie qu'ils se sont mise à vendre des années plus tard.
C'était plus réaliste au départ et leurs piètres extraits de tournage, même indignes de travaux étudiants, n'avaient pas encore été véhiculés, ce qui aurait éveillé aussi déjà bien des soupçons. C'était "très ordinaire" et beaucoup auraient reculé par ces résultats à l'écran qui étaient loin d'être convaincant.
Jean-François Gagnon avait sorti un album commercialement crédible avec Sony Musique Canada et signé la musique thème du film québécois Nitro.
Ces réalisations d'ordre public crédibilisaient en quelque sorte ses accès à des contacts plus privilégiés du monde artistique. Donc, le décalage entre fréquenter la haute direction de Sony Musique, René Angélil et Céline Dion – ET – traverser sur celui du gratin d'Hollywood, n'était pas une si grande distance à franchir mentalement, comparativement au commun des mortels pour qui, d'un jour à l'autre, se mettrait à fréquenter un univers très loin de sa réalité quotidienne, ce qui ne serait pas crédible. Ils savaient comment tirer profit d'un instant glorieux du passé pour laisser miroiter que les autres pouvaient être réels. Qui s'étonne vraiment aujourd'hui de voir grandes personnalités sportives, artistiques ou politiques se fréquenter dans toute sorte de contextes? Il y avait donc un lien plausible et expressément exploité.
Le discours de Karine Lamarre de "SUIVRE SON SOLEIL" était une traduction directe du titre du film pour lequel l'équipe travaillait: «The Lovaganza Convoy – Follow your Sunshine».
Cette expression, tirée du scénario de cette fiction cinématographique «The Lovaganza Convoy – Follow your Sunshine» qu'ils vendaient, n'éveillait pas nécessairement au départ une dimension sectaire.
Bien que ce soit facile et drôle d'en rire hors contexte, c'était simplement perçu comme les entreprises qui vendent leur propre slogan idéologiqes à leur employer comme source de motivation et d'inculcation d'une philosophie d'entreprise. Ce n'était pas en si grand décalage que des Nike, McDo et Aldo de ce monde, car ces mots-là était directement lié au produit commercial, le film, qu'ils devaient financer et supposément produire.
Ce discours s'est aussi installé graduellement, en toute légèreté et sur plusieurs années. Il est d'une évidence qu'avoir eu ce type discours en partant, comme lorsque les médias le résument rapidement aujourd'hui, nous aurions tous décelé cette tactique de contrôle nous aussi. Beaucoup de films proposent des visions humaines et positives sans éveiller nécessairement un aspect de sectaire. À l'époque, c'était simplement un film comme tant d'autres pour nous.
Ce n'est qu'après plusieurs années que nous y avons vu clair et pu tracer de très intéressants parallèles avec la série de TVA – L'Échapée. Ironiquement, cette série où les personnages de gourou ressemblent presque physiquement à la gang de Lovaganza, illustre vraiment bien le type de personnalité et les tactiques qu'ils ont développés au travers des années pour de protéger leur système.
Jean-Francois Ganon et Geneviève Cloutier partageaient des centaines de photos accompagnés des plus influentes star de la politique, de l'industrie musicale et d'Hollywood, dont Steven Spielberg.
Ce n'est que des années plus tard que nous avons découvert qu'ils se payaient des accès à des soirées caritatives et mondaines pour accumuler des images trompeuses afin de soutirer des investissements comme vous pouvez voir dans ces quelques exemples.
En conclusion:
Comme pour la plupart des investisseurs et employés, voir un portrait tel que celui qui est résumé dans les médias d'aujourd'hui, peu s'y seraient laissée prendre.
C'est vraiment par la précision chirurgicale du déploiement de leur tactiques rafinées qui aura permi à ces professionnels du mensonge, de l'usurpation et de la fausse représentation, de réussir à berner les plus naïfs comme les plus incrédules: Présidents d'entreprises, personnalités d'affaire aguerries, maires et des artistes de l'industrie du cinéma – il n'y avait pas que des gens naïfs sur ces 800 personnes qui se sont fait frauder 24 millions. Ils opéraient un plan criminel parfaitement étudié !
Tout investisseur, quel qu'il soit, veille toujours sur ces placements pour s'assurer qu'ils fructifient. Personne n'aime perdre d'argent. Les dirigeants de Lovaganza savaient très bien exploiter la protection naturelle qui veut que lorsque nous investissons une somme d'argent importante ou un investissement de temps personnel dans un projet, on ne veux surtout pas le perdre ou l'avoir fait pour récolter zéro‑0. On souhaites que ça porte fruit.
Il y a donc une grande part de l'exploitation de la crainte d'avoir perdu son argent qui empêchait les gens de partir. Si je ne sauve pas le navire, il va couler avec les économies que j'y ai mi. Avec les constantes et régulières promesses de signature imminente, les investisseurs finissaient toujours par se dire : ‑On va attendre la signature dans un mois, au cas.., ‑Dans l'autre mois, au cas.., etc, et ainsi de suite jusqu'à ce que ça finisse par tourner au ridicule et que 10 ans et 24 millions plus tard, rien n'a été accompli, aucun film et aucune fondation.
Je tiens à mentionner à quel point nous apprécions l'intérêt des médias après autant d'années de lutte à vouloir faire cesser cette anarque qui est toujours active en date d'aujourd'hui.
Un merci spécial aux animateurs, journalistes et médias prendre le relais de messager que nous avons soutenus à bout de bras, bénévolement et sans réel moyens pour le faire depuis près d'une dizaine d'années. Merci d'exprimer haut et fort le fond de vos pensées sur cette affaire
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Jean-Francois Simard
Initiateur du recours collectif et relations média
Acteur du documentaire Lovaganza: La grande illusion